Petite interview suite au film COMME T'Y ES BELLE .
Bonne lecture !
bizzz
Sur le plateau, ce fut immédiatement une évidence ?
Autant je me suis mis des battons dans les roues durant de longues années, autant j’angoisse lorsque je dois donner des interviews, parler de mon métier, autant toutes mes peurs s’effacent lorsque je suis devant les caméras, sur un plateau ou sur une scène de théâtre. J’ai alors vraiment l’impression d’être à ma place. Evidemment, lorsque je rencontre la première fois les comédiens, j’ai le tract, ce fut le cas dans Je préfère qu’on reste amis de Eric Toledano, j’avais une petite scène avec Annie Girardot et une autre avec Gérard Depardieu, je craignais de me retrouver en face d’eux avant de l’être, ce sont de tels monstres de cinéma, c’est normal d’avoir quelques appréhensions. Sur Comme t’y es belle !, sans vouloir adopter un discours promotionnel, formaté, ce furent de très belles rencontres. Tout le tournage s’est déroulé dans une délicieuse harmonie, certainement grâce à la générosité de Michèle Laroque, qui était la plus connue de nous quatre, et à la personnalité de Lisa, qui a posé sur nous un regard très enveloppant, très tendre, très protecteur, ce qui était très agréable. J’ai ressenti très fort sa présence, ce qui était primordial pour le jeu, le film. Elle nous a porté, aimé, et j’ai l’impression que cela transperce l’écran. Personne ne nous a jamais fait sentir qu’il y avait une différence entre nous et du coup il y avait une vraie complicité qui s’est transformée en amitié.
Qu’est-ce qui vous a touché dans la personnalité d’Alice?
Son enfermement, cette difficulté qu’elle a à s’autoriser le plaisir et le bonheur. Elle vit uniquement pour les autres, ses parents, son mari, ses enfants, la communauté, jamais pour elle. Je crois que lorsqu’on fait ainsi une telle économie de soi-même on le paye forcément un jour ou l’autre, parfois c’est trop tard pour revenir en arrière. On le regrette alors, on a le sentiment de ne pas vivre et Alice représente ce que peuvent ressentir beaucoup de femmes, qui n’évoluent pas d’ailleurs forcément au sein de la communauté juive séfarade. A l’origine, je ne savais pas pour quel rôle Lisa Azuelos me rencontrait et elle a d’ailleurs commencé par me proposer celui de Nina, la plus jeune des quatre. J’aimais beaucoup ce rôle, mais je me trouvais trop âgée pour le tenir. Peu à peu nous avons fait connaissance avec Lisa, ce fut d’ailleurs une vraie rencontre, elle a repris le scénario et m’a parlé d’Alice en le transformant quelque peu en fonction de ma personnalité. Elle a plus de fantaisie, de folie qu’elle n’en avait au départ. Elle m’a permis d’exprimer certains sentiments, c’était vraiment un rôle pour moi.
Vous avez eu comme elle du mal à vous affirmer ?
C’est un personnage qui m’est effectivement assez familier. Je me sens évidemment beaucoup moins enfermée qu’Alice, qui est très ancrée dans le sacrifice, la tradition, mais c’est une femme que je connais bien, j’en ai autour de moi et j’aurais vraiment pu suivre ce même cheminement. Si devenir comédienne a toujours été pour moi une évidence, j’ai commencé en revanche assez tard. Je ne suis entré au cours Florent qu’à 24 ans, je me suis ensuite empêchée parfois d’avancer, j’ai mis du temps pour me réaliser. C’était compliqué pour moi d’aller vers ce métier, je ne me suis pas sentie autorisée, pendant un certain temps, à être ce que je voulais être, à être moi-même, c’est en ce sens qu’il y a peut-être une résonance avec Alice. Le bonheur des autres m’importait plus que le mien. J’ai compris ensuite que je ne pouvais pas passer à côté et que ça ne remettait pas en cause celui de mon entourage. Cette ouverture arrive à un moment où je me l’autorise. Aujourd’hui du coup, depuis 5 ans, je travaille plus régulièrement, j’ai vaincu mes peurs, mes censures.
Vous vous sentez également proches de ces trois autres femmes qui vous entourent ?
Oui, je trouve que le rôle de Léa, qu’interprète Aurore Atika, est un rôle magnifique que j’aurais également adoré incarner. J’aurais certainement plus eu à travailler le personnage, au niveau de ses mouvements notamment, de sa relation avec son corps, c’est plus loin de moi. Ces quatre rôles sont très beaux et le lien direct à la communauté n’est pas le sujet du film, ce qui lui donne sa couleur, sa chaleur, son énergie, c’est plus la présence, le caractère de ses femmes, qui pourraient se retrouver dans n’importe quel univers. Ce n’est pas un film communautaire. En tant que femme, ancrée dans son époque, je me sens évidemment concernée par le sujet, par cette image de la femme mariée, active, s’occupant de son foyer, de ses enfants, ayant envie de goûter une certaine liberté, de vivre comme un homme et, devant affronter ce regard que l’on pose sur vous quand vous assumez cette liberté, votre vie, votre sexualité. Du coup, certaines femmes s’imposent des cloisonnements et se renferment.
En même temps le film se déroule presque comme un conte de fées, elles trouvent toutes leur équilibre, la réalité est souvent d’ailleurs beaucoup moins romantique…
C’est vrai que jamais personne ne me drague à la sortie de l’école ! Lisa avait envie de retrouver l’univers des comédies anglaises, menées par des réalisateurs, des équipes qui n’ont, en général, aucun complexe à se faire plaisir, à monter un film qui se termine bien, qui frôle certaines réalités mais reste une fiction, comme Coup de foudre à Nothing Hill ou Quatre mariages et un enterrement. Même si certains parcours sont douloureux, il se dégage effectivement de cette histoire une vraie légèreté. Nous rêvons de voir débarquer un homme à l’improviste ! C’est un film où il y a beaucoup d’amour, ce qui fait du bien au cœur d’un monde géré souvent par une grande violence. C’est parfois difficile d’être optimiste et j’espère que les spectateurs en ressortiront heureux, ce qui ne les empêchera pas probablement de se poser certaines questions.
Il y a des scènes qui ont été difficiles à assumer ?
Les scènes d’amour, c’est toujours très difficile à dépasser, j’ai beaucoup de mal, même s’il faut savoir les jouer comme les autres. Ce n’est pas évident de dévoiler ainsi son intimité, il faut vraiment avoir beaucoup de recul et on a souvent peur d’être ridicule. Nous les avons abordées tout à la fin et, durant tout le tournage, je les ai attendues avec angoisse.
Qu’est-ce que cette aventure vous apporté ?
Elle m’a permis de fermer une parenthèse, non pas qu’Alice soit moi, mais en tout cas, cette personne que j’ai fuie, je la vois aujourd’hui avec plus de recul.